top of page

Numéro 3 – Décembre 2021, Janvier 2022 – Droit des sociétés journal du DAA
Le J/DAA, votre revue étudiante en droit des affaires 

2022-02-02 (24)_edited.jpg

A retrouver dans votre numéro sur le Droit des sociétés :

A la une en droit des affaires

 

La numérisation des assemblées générales, vers une démocratisation de la prise de décisions

Les mots du Pro

 

Le droit des sociétés vu par le Professeur Bruno DONDERO

 

Hommes, femmes : (nouveau) mode d’emploi dans les grandes entreprises – Par Quentin NEMOZ-RAJOT

L’interview métier

 

 

Le métier d’avocat selon Me BRET et Me BRAMARD

Nos articles                      

 

La startup, d’un concept économique à une consécration juridique

​

La dématérialisation du droit des sociétés, des démarches simplifiées pour une transparence renforcée            

A la Une en droit des affaires

La numérisation des assemblées générales, vers une démocratisation de la prise de décisions

La crise sanitaire, l’éloignement de l’actionnariat, la simplification des démarches et du fonctionnement de la société. Ce sont autant d’enjeux nécessitant de plus en plus le recours aux outils du numérique dans la prise de décisions des sociétés. Le législateur a bien cerné cette problématique. C’est la raison pour laquelle les modalités de fonctionnement et de prise de décision sont progressivement modifiées à la faveur du recours aux outils numériques.

 

C’est la loi Nouvelles Régulations Économiques, du 15 mai 2001[1] qui a introduit le recours aux outils du numérique dans les assemblées générales, par la mise en place du vote à distance dans les Sociétés Anonymes (SA)[2]. La possibilité de participer aux assemblées par visioconférence[3] pour les SA et les Sociétés À Responsabilité Limitée (SARL) résulte également de cette loi. De plus, l’ordonnance n°2017-747 du 4 mai 2017 a permis à la société de prévoir, dans ses statuts, la possibilité de recourir 

exclusivement à la visioconférence pour les assemblées des SA et SARL, sauf opposition des associés[4], ce qui témoigne d’une large faveur pour le recours au distanciel. La dématérialisation de la prise de décision se retrouve dans les conseils d’administration et de surveillance des SA. En effet, la réunion de ces conseils peut se faire par visioconférence ou tout autre moyen de télécommunication électronique, soit lorsque les statuts le prévoient, soit lorsque le règlement intérieur l’envisage[5].

 

Dans le cas du recours au distanciel pour ces conseils et assemblées, les règles sont adaptées aux aléas des outils numériques. Par exemple, des incidents techniques peuvent arriver et doivent donc être indiqués dans le procès-verbal de l’assemblée.

​

Les règles instaurées afin de permettre aux sociétés de s’adapter à la pandémie sont également largement en faveur du recours au distanciel. En effet, la crise sanitaire a renforcé la nécessité de recourir aux outils numériques afin d’assurer la tenue des assemblées générales et des organes collégiaux, malgré les restrictions sanitaires mises en place. Des mesures ont donc été adoptées par l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, puis ont été prorogées plusieurs fois, jusqu’à leur terme le 30 septembre 2021. Il s’agissait de pallier l’impossibilité pour certains de se rendre en assemblées, donc d’exercer leurs droits, du fait des restrictions sanitaires mises en place dans plusieurs pays. Les règles de tenue de ces assemblées ont été assouplies. Elles ont notamment permis, de manière encadrée, de tenir des assemblées générales à huit clos, c’est-à-dire « sans que les membres de l’assemblée n’assistent à la séance en y étant présents physiquement ou par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle »[6]. Également, ces dispositions ont octroyé la possibilité de prendre les décisions par consultation écrite, mais également l’élargissement du vote par correspondance lorsque la loi ne le prévoyait pas.

 

Dès lors, si toutes les sociétés n’avaient pas sauté le pas de la dématérialisation, la COVID 19 les y a en quelques sortes forcées, leur permettant ainsi d’expérimenter les possibilités que cela offre.

 

D’ailleurs, le recours massif aux assemblées générales à distance durant la crise sanitaire ne sera plus une exception. En effet, la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique vient d’être examinée par le Conseil Constitutionnel[7], puis promulguée et pourrait bien élargir le champ des dispositions concernant la dématérialisation des assemblées générales. En effet, la loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures reprenant en partie l'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020, notamment sur les assemblées générales à huis clos. Il s’agit d’adapter et de simplifier les règles de tenue et de fonctionnement des AG et organes collégiaux des personnes morales et groupements de droit privé « afin de faire face aux conséquences de certaines mesures prises à l'échelle locale ou nationale pour limiter la propagation de l'épidémie de covid-19 ». Nous pouvons toutefois regretter la prorogation du recours aux assemblées à huit clos, tant cette modalité limite les débats.

Également, la loi permet à toutes les sociétés, groupements de droit privé et associations de prendre leurs délibérations (assemblées générales et organes collégiaux) en visioconférence ou par consultation écrite sans qu’une clause dans les statuts ne le prévoit. Cette disposition est applicable immédiatement sans ordonnance et jusqu’au 31 juillet 2022. Cette prorogation, contrairement à celle du huit clos, semble heureuse, parce que le recours au distanciel est rendu nécessaire, non seulement par les évolutions de l’économie, mais également par la crise sanitaire.

Il est donc clair que les outils du numériques sont d’une grande aide en période de crise sanitaire. Mais face à ces prorogations répétitives de la possibilité de délibérer par visioconférence, il est possible de se demander si cette possibilité ne serait pas susceptible de s’ancrer dans la pratique.

Enfin, en vertu de l’article 12 de ladite loi, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée générale dans une coopérative agricole peut décider la possibilité de participer aux décisions par audioconférence ou visioconférence.

 

Néanmoins, le recours aux outils du numérique ne doit pas se faire sans précautions. En effet, ces outils, qu’ils soient utilisés pour la réunion des assemblées générales ou pour permettre le vote à distance, présentent des risques importants. Outre le fait que l’anonymat des votes doive être évoqué avec une attention toute particulière, la collecte de données supplémentaires représente également un enjeu. En effet, il pourrait sembler bénéfique que la société connaisse mieux ses actionnaires, mais ceci est également une occasion pour les dirigeants de mieux rédiger leurs propositions dans un sens qui permettrait d’orienter le vote en l’anticipant[8]. Également, ces modes de prise de décision reposent sur des technologies qu’il est nécessaire de maitriser et dont la fiabilité doit être assurée.

 

Toutefois, si l’on surmonte les risques qu’ils engendrent, ces outils peuvent représenter une réelle opportunité pour la société et ses associés, en apportant un gain d’efficacité et de démocratie.

 

Le recours à des outils numériques  permettra-t-il de renforcer l’efficacité et l’aspect démocratique des sociétés ?

 

L’absentéisme est l’un des problèmes majeurs dans l’actionnariat, parfois très étendu, des grandes sociétés. Cet enjeu est dû, notamment, au fait que les actionnaires minoritaires se désintéressent de la politique de la société tant leur voix portent peu. Le fait de pouvoir participer aux assemblées à distance leur permettrait donc de pouvoir espérer peser sur les décisions ou de mieux penser le sens de leur vote sans avoir à engager d’importants frais de déplacement pour exercer leurs droits[9].

 

L’un des arguments qui nous semble également prometteur résulte du renforcement de l’égalité entre les associés permis par la dématérialisation des assemblées. L’un des droits inhérents à la qualité d’associé est le droit de participer aux décisions collectives[10]. Ils ont donc tous le droit de voter les décisions, mais également celui de siéger aux assemblées. Or, comment imaginer que les associés soient réellement égaux face à ces droits dans une hypothèse où la prise de décision ne peut se faire qu’en présentiel ? Les uns pourraient tout à fait voter et assister aux assemblées, tandis que les autres doivent supporter d’importants frais de déplacement pour espérer exercer leurs droits. L’enjeu de l’éloignement géographique des actionnaires est ainsi résolu par le recours aux outils numériques, qui permettent à tous de pouvoir participer aux décisions sans engendrer de frais trop importants. C’est donc l’égalité entre associés qui s’en trouve renforcée[11], parce que les associés les plus éloignés doivent désormais engager les mêmes frais que les autres : ceux de la seule connexion internet. Il n’est pas plus

couteux pour eux d’exercer leurs droits. Il s’agit également d’un avantage pour la société, pour laquelle l’accueil des actionnaires sur un site physique est parfois très couteux.

 

Enfin, l’aspect démocratique et l’efficacité des décisions sont également favorisés dans le cadre du distanciel. En effet, les petits actionnaires savent que leur vote, à lui seul, ne vaut guère, ou très peu. Ils ne sont donc pas incités à voter si cela nécessite d’engager d’importants frais de déplacement. Le vote à distance leur permet donc d’éviter ces inconvénients tout en faisant valoir son avis. Les associés pouvant participer aux décisions sans engendrer de frais, il semble que bon nombre d’entre eux, qui n’y assistaient pas du fait de la distance, puissent désormais s’exprimer et voter. Les petits actionnaires et les plus éloignés étant désormais aptes à exprimer leur vote, les décisions représentent alors une plus grande part de l’actionnariat et pas seulement les plus gros associés, pour lesquels le déplacement est plus rentable[12].

 

En conclusion, les outils du numérique nous offrent d’importantes opportunités en matière de simplification et de démocratisation de la vie des sociétés. Si ces dernières ont pu expérimenter le distanciel pendant la crise sanitaire, cela n’a pas vocation à rester anecdotique tant cette période particulière nous a finalement montré les atouts que représentent ces outils.

​

Clara CAMPAGNE

 

​[1] Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

[2] C. com., art. L. 225-107 , I

[3] C. Com., art. L.225-107.

[4] C. com., art. L. 225-103-1  dans la SA ; art. L. 223-27  dans la SARL

[5] C. com., art. L. 225-37 , al. 3 et L. 225-82 , al. 3

[6] Foire aux questions « tenir son AG ou son CA dans le contexte de la crise sanitaire », 02 août 2020

[7] Décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022. Pour ce qui nous concerne, le Conseil Constitutionnel n’a pas eu à se prononcer sur la conformité des dispositions relatives aux assemblées générales, la décision portant principalement sur le pass vaccinal et, plus particulièrement sur les articles 1er et 16 de la loi.

[8] A. LECOURT, numérique et fonctionnement de la société, répertoire IP/IT et communication, Dalloz, Novembre 2020

[9] A. LECOURT, numérique et fonctionnement de la société, répertoire IP/IT et communication, Dalloz, Novembre 2020

[10] C. Civ. Art. 1844

[11] X . VAMPARYS, Les assemblées générales à l'ère du numérique. Avantages et conditions de mise en œuvre des assemblées dématérialisées, Dr. sociétés 2018. Étude 11

[12] Les règles de quorum permettaient déjà d’équilibrer les délibérations, mais le recours aux outils numérique semble davantage inciter la participation des actionnaires minoritaires au vote et aux délibérations.

A la un en droit des affaires

Le mot du Pro

Le droit des sociétés, vu par…

Bruno DONDERO

Agrégé des Facultés de Droit

2022-02-02 (25)_edited.jpg

Avant tout, qu’il soit permis à l’auteur de ces quelques pages de remercier les responsables de la revue pour l’aimable invitation à y publier. Venons-en maintenant à notre sujet. On peut se livrer, pour essayer de comprendre où se situe le droit des sociétés aujourd’hui, à quelques observations que l’on essayera de formuler de manière très simple. Ces observations porteront d’abord sur une situation, qui est aujourd’hui bien établie mais n’est pas forcément une bonne chose, puis sur une évolution, qui est quant à elle relativement récente et qui est beaucoup plus positive.

 

La situation dont il est question est relative à l’organisation des normes qui régissent le fonctionnement des sociétés. Ces normes constituent une structure verticale complexe (I). L’évolution récente concerne les objectifs de ces groupements, et elle consiste en une diversification de ces objectifs (II).

​

   I – Structure verticale complexe du droit des sociétés.

​

La matière du droit des sociétés est constituée tout d’abord d’un socle commun à toutes les sociétés, présent dans le Code civil, et applicable à toute société relevant du droit français, de la plus petite SARL unipersonnelle à la plus grande de nos sociétés cotées, en passant par la SCI familiale, la société d’économie mixte chargée d’exploiter les transports en commun d’une agglomération et la coopérative agricole. A ce socle commun va se superposer dans l’immense majorité des cas au moins un corps de droit spécial, régissant la forme sociale particulière choisie par les associés[1]. C’est ainsi un corps de textes spécifique à la société civile, à la SARL, à la SAS ou à la forme juridique autre qui aura été retenue qui va s’appliquer. Précisons que la vieille distinction entre civil et commercial se maintient en droit français et que les sociétés commerciales sont également régies par quelques articles communs à toutes ces sociétés[2].

 

Pour une SARL, par exemple, il faut prendre en considération les règles suivantes, en descendant du général au spécial :

​

  • Droit commun des sociétés (art. 1832 à 1844-10 du Code civil)

  • Droit commun des sociétés commerciales (Livre II du Code de commerce, art. L. 210-1 et s.)

  • Droit spécial des SARL (Livre II du Code de commerce, art. L. 223-1 et s.)

 

Peut-être les associés ont-ils par ailleurs complété leurs statuts par un pacte conclu entre eux tous ou entre certains des associés seulement, ce qui conduit alors à ajouter un élément au paysage normatif. 

 

  • Pacte d’associés (droit commun des contrats et convention des parties)

 

A ce premier assemblage de normes peuvent se superposer des règles spéciales supplémentaires, comme celles qui régissent les sociétés coopératives ou celles qui régissent les sociétés de professionnels libéraux.

   
Une coopérative qui a choisi la forme d’une SARL, par exemple, sera organisée comme suit, toujours en descendant du général au spécial :

​

  • Droit commun des sociétés (art. 1832 à 1844-10 du Code civil)

  • Droit commun des sociétés commerciales (Livre II du Code de commerce, art. L. 210-1 et s.)

  • Droit spécial des SARL (Livre II du Code de commerce, art. L. 223-1 et s.)

  • Droit général des coopératives (Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947)

 

Au vrai, on peut hésiter sur la place de la dernière ligne : le droit général des coopératives est-il plus spécial que le droit spécial des SARL ? Il est possible que des règles de fonctionnement normalement applicables dans les SARL soient écartées par les dispositions propres aux coopératives[3]. Mais dans le même temps, n’est-il pas concevable que des dispositions qui s’appliqueraient normalement à une société coopérative reçoivent un sort particulier lorsque la coopérative en cause se trouve être une SARL[4] ?

 

Et pour compliquer encore les choses, une coopérative peut se trouver soumise à un corps de règles spéciales supplémentaire. La complexité d’une telle situation peut être illustrée par l’exemple d’une coopérative de commerçants détaillants dans laquelle un pacte d’associés aurait été conclu.

​

  • Droit commun des sociétés (art. 1832 à 1844-10 du Code civil)

  • Droit commun des sociétés commerciales (Livre II du Code de commerce, art. L. 210-1 et s.)

  • Droit spécial des SARL (Livre II du Code de commerce, art. L. 223-1 et s.)

  • Droit général des coopératives (Loi du 10 septembre 1947)

  • Droit spécial des coopératives de commerçants détaillants (articles L. 124-1 et suivants du Code de commerce)

  • Pacte d’associés (droit commun des contrats et convention des parties)

 

Il faudra ainsi que le juriste ait constamment à l’esprit l’ensemble des corps de normes susceptibles de s’appliquer au fonctionnement du groupement qu’il est chargé d’organiser, et qu’il ait les idées très claires sur la hiérarchie de ces règles.

 

Ces règles peuvent bien sûr se trouver en contradiction les unes par rapport aux autres, et il faut alors identifier une hiérarchie entre elles. Le droit spécial l’emporte comme on le sait sur la règle générale, en application de l’adage Specialia generalibus derogant. Dans le même temps, les règles générales peuvent comporter des principes auxquels le droit spécial n’est pas autorisé à déroger. Par exemple, en droit des sociétés, les actions de préférence peuvent ainsi être dotées de « droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent »[5], ce qui peut aller jusqu’à déroger au principe général selon lequel un associé est titulaire du pouvoir de vote. Le texte spécial le confirme d’ailleurs lui-même[6]. Pour autant, cela ne saurait conduire à priver un associé du droit de participer aux décisions collectives[7].

​

Cette grande complexité du droit des sociétés français est aujourd’hui bien établie, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est positive. Elle conduit à des situations qui requièrent des juristes qui accompagnent la société des efforts d’analyse parfois très importants. A côté de cette structure verticale complexe du droit des sociétés, bien établie, on peut observer un mouvement d’élargissement des perspectives des sociétés, qui a récemment connu des développements très importants.

​

   II – Mouvement d’élargissement des perspectives des sociétés.

 

Un autre constat peut être fait, qui concerne quant à lui un mouvement d’élargissement des perspectives des sociétés. Récemment, ce mouvement a connu une consécration législative très importante, avec l’adoption de la loi PACTE en 2019[8].

 

Historiquement, la société régie par le Code civil (et éventuellement par le Code de commerce) était exclusivement tournée vers des objectifs « intéressés » : la réalisation d’un bénéfice à partager entre les associés et, depuis 1978, la réalisation d’une économie dont devaient profiter ces mêmes associés. Certes, on pouvait considérer que les coopératives dérogeaient à cette situation[9], mais le principe demeurait celui formulé par l’article 1832 du Code civil. : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ».

 

L’ouverture à laquelle la loi PACTE a procédé se décompose en trois étapes.

 

Une première ouverture a visé rien moins que l’ensemble des sociétés civiles et commerciales existantes, c’est-à-dire des millions de groupements, lorsque l’article 1833 du Code civil a été enrichi d’un alinéa aux termes duquel « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Il n’est pas demandé à la société de faire primer les considérations sociales et environnementales sur son intérêt financier, mais il lui est demandé de ne pas ignorer ces considérations lorsque vient le moment de prendre une décision. Cette règle concerne les sociétés de la manière la plus générale qui soit, sans qu’elles aient à accéder à cette nouvelle conception de l’intérêt social par une démarche particulière.

 

La deuxième opération d’ouverture résultant de la loi PACTE suppose au contraire que les sociétés procèdent à une modification de leurs statuts, puisqu’il est question de l’insertion dans ces derniers d’une raison d’être. Celle-ci, est-il précisé à l’article 1835 du Code civil, est « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». L’idée est que ces principes ne devraient pas se confondre avec le programme d’activité de la société figurant dans son objet social, ni avec les finalités intéressées figurant à l’article 1832 précité. Dit autrement, la raison d’être d’une société ne devrait pas pouvoir se limiter à l’enrichissement de ses associés.  

 

La dernière étape de l’ouverture est celle qui implique la démarche la plus aboutie, et elle concerne les seules sociétés commerciales, à l’exclusion des sociétés civiles, ainsi que les sociétés d’assurance mutuelle[10]. Elle voit la société adopter le statut de société à mission, en identifiant dans ses statuts, en plus d’une raison d’être, « un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité »[11]. La société Danone a été, notamment de par son importance et son statut de société cotée en bourse et aussi du fait de l’évolution ultérieure de sa gouvernance (son P-DG perdra son mandat moins d’un après l’adoption du statut de société à mission, opération dans laquelle il s’était beaucoup investi), celle dont l’évolution en société à mission a été la plus médiatisée.

 
Ces différentes évolutions ont pu surprendre une partie du monde de l’entreprise, mais il est certain qu’elles recèlent des possibilités importantes. Un rapport, remis récemment par M. Bris ROCHER au ministre de l’Economie et à la secrétaire d’Etat à l’Economie sociale et solidaire a dressé un premier bilan de l’application de ces nouveaux dispositifs, et formulé des recommandations pour favoriser leur développement.

 

Ainsi, en plus d’une superposition de plusieurs niveaux de règles auxquelles une société peut être soumise, potentiellement complexe à gérer d’un point de vue technique, le législateur a diversifié les objectifs que peut poursuivre une société. Le premier aspect étudié concernera d’abord les juristes chargés d’identifier les règles de fonctionnement applicables à la société, et il pourra appeler de leur part de très importants efforts d’analyse juridique. Le second aspect affectera l’action des organes sociaux, et en réalité tout le fonctionnement de l’entreprise, qu’il s’agisse de prendre en compte l’intérêt social élargi ou d’adopter une raison d’être ou le statut de société à mission. Il va sans dire que ce second aspect sollicitera également les juristes ! 

​

Bruno DONDERO

​

[1] L’hypothèse d’une société qui ne serait soumise qu’au droit commun contenu aux articles 1832 à 1844-10 du Code civil est concevable théoriquement, mais elle ne devrait pas se rencontrer en pratique.

[2] Art. L. 210-1 et s. C. com.

[3] V. ainsi l’article 19 terdecies de la L. 10 sept. 1947, qui dispose que « Le rapport de gestion mentionné à l'article L. 223-26 du code de commerce et le rapport annuel du conseil d'administration ou du directoire mentionné à l'article L. 225-100 du même code contiennent des informations sur l'évolution du projet coopératif porté par la société, dans des conditions fixées par décret », ce qui déroge aux règles normales de fonctionnement d’une SARL ou d’une société anonyme.

[4] Comment concilier, par exemple, le principe édicté par l’article 7 de la L. 10 sept. 1947 selon lequel « Les statuts des coopératives déterminent notamment le siège de la société, son mode d'administration, en particulier les décisions réservées à l'assemblée générale, les pouvoirs des administrateurs ou gérants, les modalités du contrôle exercé sur ses opérations au nom des associés, les formes à observer en cas de modification des statuts ou de dissolution » avec le régime légal de fonctionnement de la SARL, qui encadre certaines de ces questions par des dispositions impératives ?

[5] Art. L. 228-11, al. 1er C. com.

[6] Art. L. 228-11, al. 2 C. com.: « Le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable ou supprimé ».

[7] Art. 1844 C. civ.

[8] L. n° 2019-486 du 22 mai 2019.

[9] Art. 1er, al. 1er L. 10 sept. 1947: « La coopérative est une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires ».

[10] Art. L. 322-26-4-1 C. ass.

[11] Art. L. 210-10 C. com.

​

DONDERO

Le mot du Pro

Hommes, femmes : (nouveau) mode d’emploi dans les grandes entreprises

La loi n°2021-1774 dite « Rixain » du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle a été publiée au Journal officiel du 26 décembre 2021. Elle prévoit différentes mesures qui s’intéressent au quotidien des femmes et d’autres qui ambitionnent d’assurer plus d'égalité entre les femmes et les hommes dans les grandes écoles, dans les entreprises mais aussi dans l'entrepreneuriat. Cette loi s’inscrit dans un mouvement législatif entamé depuis plusieurs années et correspond à la volonté du Président de la République qui avait déclaré l’Égalité entre les femmes et les hommes « grande cause nationale » du quinquennat en novembre 2017.

 

Aux dires du site internet du Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalités des chances, « faire progresser l’égalité professionnelle au sein des entreprises est l’une des grandes priorités gouvernementales ». Dès lors, il n’est pas surprenant qu’une loi majeure sur la question de l’égalité professionnelle instaure de nouvelles règles applicables à la représentation équilibrée des sexes dans les équipes dirigeantes des plus grandes entreprises.

 

Cette intervention législative va prolonger les démarches déjà entreprises en ce sens et encourager la féminisation des directions des plus grandes entreprises. Certes critiqué par certains, le recours à la loi pour imposer une plus grande mixité s’avère d’une efficacité indéniable. Madame Christine Lagarde l’avait notamment souligné astucieusement devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale : « quand on légifère, on trouve des femmes. Quand on ne légifère pas, on trouve des excuses ». Par le passé, la loi « Copé‑Zimmermann » relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011) l’a déjà démontré.

Quentin NEMOZ-RAJOT

Maître de conférences, Faculté de droit, Université Jean Moulin Lyon III.

 

Responsable du pôle doctrine Akilys Avocats

2022-02-02 (27)_edited.jpg

Aussi, dix ans après, une nouvelle étape est franchie. La loi Rixain vient donc accentuer les obligations en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les plus grandes entreprises. Est-ce cette réforme qui permettra de véritablement briser le plafond de verre ? Il est trop tôt pour l’affirmer mais force est de constater qu’après les avancées de la Coppé-Zimmerman (I), les obligations en matière de représentation équilibrée de chaque sexe au sein des équipes dirigeantes vont être accentuées (II).

 

I - Les avancées de la loi Coppé-Zimmerman

 

La loi Coppé-Zimmerman a instauré une obligation de rechercher une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les organes de direction des SA et SCA (A), tout en imposant une certaine mixité dans les organes de direction des plus grandes sociétés françaises (B).

 

A - La recherche d’une représentation équilibrée de chaque sexe affirmée

  

La loi de 2011 a mis en place une politique générale de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes de direction des SA (Article L. 225-17 C. com. pour les conseils d’administration, Art. L. 225-69 C. com. pour les conseils de surveillance et Art. L. 225-58 C. com. pour les directoires) et ceux des SCA (Art. L 226-4 C. com). Ainsi, ces organes doivent-ils être composés en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Cependant l’irrespect de cette recherche d’équilibre ne fait l’objet d’aucune sanction spécifique. Avant tout symbolique, cette avancée est donc à relativiser.

 

Toutefois, dans certaines sociétés, cette même loi de 2011 a organisé une féminisation à marche forcée des organes de direction à travers la mise en œuvre, par paliers, de quotas au sein des conseils d’administration et de surveillance. Ces règles ont été d’une grande efficacité et demeurent toujours applicables. Elles ont favorisé une arrivée massive de femmes au sein des organes de direction des grandes sociétés françaises. Ces derniers ont été sensiblement renouvelés pour respecter les préconisations légales et ainsi assurer une représentation équilibrée de chaque sexe. Selon les chiffres divulgués par le Rapport Rixain remis le 5 mai 2021 à l’Assemblée nationale, le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance est passé de 10 % en 2009 à 44,6 % en 2020 dans les entreprises du CAC 40. Il a atteint 45,3 % dans les entreprises du SBF 120. Comme le précise ledit rapport, « ces résultats font de la France la championne de l’Union européenne en matière de parité et la situent en deuxième place au niveau mondial, juste après l’Islande ».

​

B - Un équilibre imposé dans certaines sociétés

 

Les règles impératives propres à la représentation équilibrée des hommes et des femmes s’appliquent dans les conseils d’administration (Art. L225-18-1 C. com) et dans les conseils de surveillance (Art. L. 225-69-1, art. 226-4-1 C. com.) des plus grandes sociétés françaises. Ces sociétés de grandes tailles sont tant les sociétés anonymes que les sociétés en commandite par actions qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d'au moins deux cent cinquante salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros. En outre, le dispositif s’applique obligatoirement au sein de sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (Art. L. 22-10-3 et L. 22-10-21 C. com.). Aussi les SAS, lorsqu’elles ont recours à un conseil d’administration ou de surveillance créé statutairement, ne sont donc pas soumises à ces quotas de représentativité de chaque sexe.

 

L’entrée en vigueur de cette obligation de représentation équilibrée se fit progressivement et semble - les chiffres divulgués en attestent - désormais bien assimilée par les grandes sociétés. Deux règles, semble-t-il non cumulatives, sont imposées aux sociétés entrant dans le champ d’application du dispositif :

 

  • La proportion des membres de chaque sexe d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance ne peut être inférieure à 40 % ;

  • Lorsque le conseil d'administration est composé au plus de huit membres, l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.

 

Par ailleurs, pour assurer le respect de cette obligation de mixité, toute nomination ou toute désignation intervenue en violation de la règle et qui n'a pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition du conseil est nulle. Dans la même veine, depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE du 22 mai 2019, la nullité de la nomination peut s’accompagner de celle des délibérations auxquelles a pris part le dirigeant irrégulièrement nommé. Enfin, cet irrespect conduit à la suspension du versement de toutes les rémunérations accordées aux dirigeants de l’organe concerné jusqu’à la régularisation de sa composition (Art. L. 225-45 et L. 225-83 C. com.). Cette régularisation, une fois intervenue, entraîne alors le versement de l'arriéré des rémunérations depuis la suspension.

 

Désormais bien entrées dans les mœurs, ces règles se voient confortées et accentuées par la nouvelle loi Rixain du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Ainsi son article 15 impose, à partir du 1er janvier 2027 et sur le même modèle, une proportion d’administrateurs de chaque sexe d’au moins 40% dans les conseils d’administration des sociétés d’assurance mutuelle (Art. L. 322-26-2-5 C. des ass.). Surtout, un nouveau dispositif obligatoire de représentation équilibrée de chaque sexe, au champ d’application plus large, est mis en place.

 

II - Une obligation de représentation équilibrée de chaque sexe renforcée

 

L’article 14 de la loi Rixain en est surement le plus emblématique. Il impose la publication des écarts éventuels de représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes (A) tout en instaurant des paliers progressifs pour garantir une répartition plus équilibrée de chaque sexe entre ces mêmes personnes (B).

 

A - La publication des écarts de représentation de chaque sexe parmi les équipes dirigeantes

 

Dans le but d’assurer une répartition équilibrée de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, le législateur a prévu plusieurs mesures codifiées aux articles L. 1142-11 et suivants du Code du travail. En effet, si la loi Coppé-Zimmerman a eu des effets significatifs, il a été constaté qu’elle n’avait pas engendré une mixité « suffisante » dans les comités exécutifs et de direction. Selon le rapport précité, « les femmes ne représentent que 22,4 % des membres des comités exécutifs et de direction des entreprises cotées ». Aussi, les mesures déjà existantes ont-elles été complétées afin d’assurer une plus grande mixité au sein des postes à responsabilité dans les grandes entreprises françaises.

 

Dès lors, ce ne sont plus uniquement certaines formes sociales qui sont visées par les nouvelles dispositions mais bien les plus grandes entreprises, à savoir celles qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient au moins mille salariés. Les seuils de chiffre d’affaires et de bilan ne sont donc plus visés afin d’élargir et de simplifier le spectre des entreprises devant respecter les règles nouvelles.

 

Dans ces entreprises et à compter du 1er mars 2022, l’employeur devra publier chaque année sur son site internet (et à défaut de site internet les porter à la connaissance des salariés par tout moyen), les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi d’une part les cadres dirigeants et, d’autre part, les membres des instances dirigeantes. Il s’agit là de deux nouveaux indicateurs instaurés sur le modèle de l’index de l’égalité professionnelle. Ils devraient permettre d’établir plus aisément et lisiblement un état des lieux de la situation des femmes au sein des postes à forte responsabilité. Pour mieux saisir l’ampleur du nouveau dispositif, il est en revanche nécessaire de comprendre quelles sont les fonctions visées par le législateur. La focale est très large et ne se limite aucunement aux seuls comités exécutifs ou encore de direction visés par les critiques.

 

Pour « les instances dirigeantes », le nouvel article L. 23-12-1 du Code de commerce qui les définit comme « toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d'assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l'exercice de leurs missions ». Pour « les cadres dirigeants », il est renvoyé à l'article L. 3111-2 du Code du travail selon lequel il s’agit des « cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

 

Une publication de ces éventuels écarts sera également réalisée sur le site internet du ministère chargé du travail à compter du 1er mars 2023 et dans des conditions définies par décret à paraître. Enfin, ces écarts devront également figurer dans la base de données économiques, sociales et environnementales mise à la disposition du comité social et économique.

 

Mais le législateur, s’inspirant des quotas instaurés par pallier dans le cadre de la loi Coppé-Zimmerman, est allé encore plus loin.

 

B - La mise en place progressive de quotas de personnes de chaque sexe dans les équipes dirigeantes

 

Comme en son temps la loi de 2011, la loi Rixain prévoit la mise en place échelonnée dans le temps d’un quota de représentation de chaque sexe, cette fois dans les équipes dirigeantes des grandes entreprises. Ainsi, à compter du 1er mars 2026, la proportion de personnes de chaque sexe au sein des cadres dirigeants mais aussi des instances dirigeantes ne pourra être inférieure à 30 % dans les entreprises d’au moins mille salariés. À partir de cette même date, la négociation sur l’égalité professionnelle prévue au 2° de l’article L. 2242-1 du Code du travail portera également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction si le quota n’est pas respecté. Cette nouvelle obligation de mixité devrait nettement accélérer la féminisation des équipes dirigeantes des entreprises visées d’autant qu’un mécanisme de sanctions financières a été créé pour rendre contraignant le nouveau dispositif à compter du 1er mars 2029.

 

Comme souligné par le Rapport Rixain, « dans l’optique d’une convergence avec les outils existants en termes d’égalité professionnelle, le dispositif reprend les sanctions prévues à l’article L. 1142-10 du code du travail concernant l’index de l’égalité professionnelle ». Toutefois, la sanction financière prévue par l’article L. 1142-12 du Code du travail ne sera pas immédiatement prononcée si les impératifs de représentation équilibrée ne sont pas atteints. En effet, l’entreprise prise à défaut disposera d'un délai de deux ans pour se mettre en conformité. Au bout d'un an, elle devra publier ses objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret. À l'expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé, l'employeur se verra alors appliquer une pénalité financière d’un montant maximal de 1% de sa masse salariale.

 

Signe de souplesse et de mesure, cette sanction pécuniaire sera prononcée par l’autorité administrative qui prendra en compte la situation initiale de l'entreprise, les efforts constatés dans l'entreprise en matière de représentation des femmes et des hommes ainsi que les motifs de sa défaillance. L’idée sous-jacente est d’assurer une transition échelonnée dans le temps et « en douceur ». Pourtant, il est aisé d’imaginer les difficultés potentielles de recrutement que pourraient rencontrer certaines entreprises tout comme la complexité de renouveler promptement leurs cadres salariés. Si les résultats ont été nets avec la loi Coppé-Zimmerman, ils pourraient être plus tardifs avec les nouvelles règles. Remplacer rapidement des dirigeants sociaux dont le mandat est par nature limité dans le temps (V. par ex. Art. L. 225-18 C. com. pour les administrateurs) paraît plus aisé que de renouveler des cadres salariés. Le législateur semble l’avoir à l’esprit et vouloir insuffler une dynamique positive. Comme à nouveau rappelé par le rapport Rixain, « il ne s’agit, en aucun cas, de pénaliser les hommes ou les femmes aujourd’hui en poste mais bien de diversifier, à terme, les profils pour parvenir à une réelle mixité ».

 

En tout état de cause, les efforts effectués devront être certains car la proportion de chaque sexe dans les instances dirigeantes et parmi les cadres dirigeants des grandes entreprises visées par le dispositif passera, à partir du 1er mars 2029, de 30 à 40%. Il apparaît donc nécessaire d’anticiper au plus vite ces futurs changements pour être en parfaite conformité avec la loi et pour ne pas nuire à l’image de marque de l’entreprise qui ne manquerait pas d’être affectée aux yeux du grand public. Gageons que, comme ce fut le cas pour l’application de la loi Coppé-Zimmerman, le résultat sera au rendez-vous et que les entreprises ressortiront grandies des effets de ces avancées paritaires ! (Voir en ce sens Etude FMI, J. D. Ostry, J. Alvarez, R. Espinoza, C. Papageorgiou, Economic Gains from Gender Inclusion: New Mechanisms, New Evidence du 08 ocotobre 2018).

 

           

Quentin NEMOZ-RAJOT

nemoz - rajot

L'interview métier

Me BRET

Avocate, Counsel

SELAS Fiducial Legal By Lamy Lyon

Me BRAMARD

Avocate collaboratrice

SELAS Fiducial Legal By Lamy Lyon

2022-02-03 (1)_edited.jpg

I – Présentation des intervenantes – Me BRET et Me BRAMARD

 

  • Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

Maître BRET : Je suis Emmanuelle BRET, avocate, j’interviens dans le département de Maître Gérard LEGRAND dans le domaine du droit des affaires, spécialisé en droit bancaire.

J’interviens précisément au soutien des intérêts des banques. J’ai en charge des dossiers de recouvrement, avec des problématiques liées aux procédures collectives, et des dossiers en défense dans le cadre d’actions en responsabilité engagées contre les banques.

En dehors de mon activité au sein du cabinet, depuis l’année dernière, nous donnons avec Justine des cours Master 1 pro banque à Lyon 2 sur la réglementation bancaire.

 

Maître BRAMARD : Je suis Justine BRAMARD, j’ai 33 ans et suis maman d’une petite fille de presque 5 ans.

Je suis avocate depuis un petit peu moins de 10 ans. J’ai intégré le cabinet Fiducial Legal dès ma sortie de l’école des avocats. J’interviens aussi dans des domaines de droit des affaires, en contentieux commercial et pénal des affaires.

Comme le disait Emmanuelle, depuis 1 an, nous donnons également des cours à la fac à de futurs professionnels du secteur bancaire.

 

  • Pourquoi avoir choisi le métier d’avocat ?

 

Maître BRET : Au départ, j’envisageais de passer le concours de la magistrature. C’est au gré de stages et un peu le hasard qui ont fait qu’à un moment donné, je me suis orientée vers la profession d’avocat. Ce n’est pas une ambition de jeunesse. L’envie de devenir avocate m’est venue au fil des études et des rencontres, assez tardivement. J’ai passé le concours, que j’ai réussi du premier coup.

 

Maître BRAMARD : À la fin du lycée, j’ai hésité entre l’art plastique et le droit, mais le droit semblait un choix plus raisonnable.

Une fois inscrite à l’université, le choix du métier a été plus facile car j’ai toujours beaucoup aimé discuter, argumenter et j’ai pensé que le métier d’avocat pouvait être celui qui me correspondait le mieux. Ce que j’aime dans ce métier, c’est la liberté de parole qu’il donne.

​

  • Quel a été votre parcours pour exercer cette profession ?

 

Maître BRET : J’ai suivi des études de droit avec l’obtention d’une maîtrise de droit des affaires à l’Université PARIS II  puis d’un DEA de droit privé à la Sorbonne. J’ai ensuite passé le concours pour rentrer à l’école d’avocat ; j’ai intégré l’école de formation des avocats à Paris et effectué au cours de cette formation différents stages dans des petites structures à dominante droit des affaires avant de rejoindre le cabinet LAMY VERON RIBEYRE à Lyon.

 

Maître BRAMARD : J’ai fait ma licence de droit à Dijon, qui était une ville étudiante agréable. Je me suis rendue ensuite à Lyon pour faire un Master et ai ensuite préparé le CRFPA. Après une année de préparation au cours de laquelle j’ai réalisé des stages en cabinets d’avocats, j’ai obtenu l’examen d’entrée. J’ai ensuite intégré l’école des avocats à Lyon où j’ai trouvé la formation très intéressante.

​

C’est à la fin de ce parcours que j’ai trouvé un stage au sein du cabinet Fiducial Legal qui m’a ensuite proposé un contrat de collaboration libérale.

​

  • Et pourquoi se spécialiser en droit des affaires ?

 

Maître BRET :  À la sortie de l’école d’avocat, j’ai souhaité m’orienter vers un cabinet de droit des affaires. J’ai rencontré Maître LEGRAND, spécialisé en droit bancaire et j’ai commencé à travailler à ses côtés alors que je ne connaissais pas ce domaine d’activité.

 

Maître BRAMARD : Je suis venue au droit des affaires au gré de mes opportunités professionnelles et alors que je ne me destinai pas particulièrement à cette matière.

L’intérêt de ce secteur est qu’il est varié et que l’on a des interlocuteurs qui sont eux-mêmes professionnels, parfois juristes et recherchent des solutions à des situations souvent complexes.

 

  • Dans quel cadre exercez-vous ? Pourriez-vous nous décrire votre cabinet, sa structure ?

 

Maître BRET : C’est un cabinet de taille importante pour Lyon, qui a été novateur. Maître Bruno LAMY a créé l’un des premiers cabinets en droit des affaires, avec des associés spécialisés dans des matières différentes. Nous fonctionnons beaucoup par équipe ou par département ; chaque équipe a sa spécialité avec un ou deux associés et une équipe de collaborateurs. Notre équipe est celle du droit des affaires, droit bancaire, et droit fiscal. Il y a aussi des équipes spécialisées en droit des sociétés, corporate, droit du travail, droit international, droit économique. Il est très intéressant de travailler dans ce type de cabinet, car si un jour l’un de nous a une problématique dans une matière qu’il ne maitrise pas, il peut s’adresser à un avocat du cabinet spécialisé . Chaque équipe est indépendante. Nous travaillons également avec  des assistantes et des stagiaires.

 

Maître BRAMARD : En dehors de la structure dans laquelle nous évoluons, nous sommes également des collaborateurs libéraux. Nous avons donc une double casquette au sein de la structure avec nos propres clients. Cela peut nous permettre parfois d’intervenir auprès d’une clientèle plus variée.

 

Maître BRET : Nous avons d’excellentes conditions de travail, avec des outils informatiques performants et l’aide d’une documentaliste. Nous sommes bien fournis en en documentation. Le professeur Nicolas BORGA, qui est présent au cabinet, nous aide sur des questions techniques et dispense des interventions. Il nous a notamment récemment présenté la réforme du droit des sûretés et des procédures collectives, ce qui est vraiment appréciable.

 

  • Est-ce que le droit des affaires est une branche qui recrute ?

 

Maître BRET : Oui je pense. Nous avons beaucoup de travail.

 

II – Le métier d’avocat

 

  • Comment décririez-vous votre métier en quelques mots ? Selon vous, quels sont ses meilleurs aspects ? Et ses inconvénients ?

 

Maître BRET : C’est un métier intéressant, avec l’analyse de dossiers sur un plan juridique. Nous rencontrons des personnes intervenant dans des secteurs variés et les échanges que l’on entretient avec elles sont riches. Le travail à fournir est très varié : il y a tout d’abord l’examen des dossiers avec l’analyse du problème juridique, puis l’élaboration d’un argumentaire et enfin l’aboutissement de l’affaire avec la plaidoirie et l’obtention d’une décision. Il faut être attentif, à l’écoute, exigeant. Il faut se battre, ce qui peut entrainer des fois une certaine pression. Il faut convaincre. Même si avec l’expérience on a l’habitude, il faut rester très réactif et rigoureux.

 

Maître BRAMARD : Notre métier est un métier de rencontre et de stratégie. Il implique que nous nous plongions dans l’univers de notre client. S’il fait du transport ou intervient dans la mode, il nous faudra être informé de la règlementation applicable en la matière et nous adapter.

​

Nous évoluons parfois dans des milieux très variés, lorsque nous sommes en garde à vue ou lorsque nous faisons des formations à des grandes entreprises, les choses sont bien différentes.

Son inconvénient est que nous intervenons en situation conflictuelle où la confrontation est souvent le mode de communication. Nous essayons alors d’instaurer une autre manière de faire avancer les dossiers.

 

  • Quelle relation entretenez-vous avec vos clients ?

 

Maître BRET : L’ensemble de mes interlocuteurs sont des juristes de banque qui ont des connaissances et compétences en droit. Nos échanges se limitent au suivi des dossiers.

Maître BRAMARD : Mes interlocuteurs sont plus variés, j’ai également des particuliers et des chefs d’entreprise. Nous sommes souvent des soutiens pour nos clients et essayons de tenir compte de leur ressenti.

 

  • Que pensez-vous des récents débats sur le secret professionnel de l’avocat ? Celui-ci est-il indispensable à la profession ou devrait-il être réduit selon vous ?

 

Maître BRAMARD : Pour moi il est indispensable à la profession.. Je pense que dans la Société, chacun à sa place ; le juge pour juger, l’enquêteur pour enquêter, l’avocat pour défendre. Il faut que chacun garde sa place.

 

Maître BRET : Il y a une relation de confiance. Si un client sait que son avocat peut être conduit à divulguer des informations, cela peut mettre à mal cette relation.

 

III – Le lien avec le thème du numéro : le droit des sociétés

 

  • Pensez-vous que le droit des sociétés est devenu trop complexe ? Notamment, sa structure verticale impose de maitriser et articuler plusieurs corps de règles : le droit commun des obligations, le droit commun des sociétés du Code civil, le droit commun des sociétés commerciales dans le code de commerce et le droit spécifique à chaque forme sociale.

 

Maître BRAMARD : Je ne fais pas du droit des sociétés au quotidien. Comme dans chaque matière il y a toujours plusieurs corps de règles qui se superposent. C’est ce qui conduit les avocats à se spécialiser. Les avocats qui exercent en cette matière contrebalancent la complexité de ce droit avec leur savoir-faire.

 

  • Que pensez-vous de l’utilisation croissante des outils du numérique par le droit, notamment l’enregistrement et la communication d’informations via internet ?

 

Maître BRET : Les outils du numérique sont une très bonne chose. Il y a eu la création d’un Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA), première plateforme numérique destinée à favoriser la dématérialisation des procédures judiciaires civiles et la communication des avocats. Le RPVA est obligatoire pour la transmission des pièces et actes de procédure devant les tribunaux judiciaires et les cours d’appel en matière civile. Ces outils numériques facilitent l’accès à la justice et modernisent le traitement des procédures.

Toutefois, dans certains cas, on peut regretter de ne pas pouvoir échanger avec un interlocuteur en présentiel.

 

Maître BRAMARD : Il faut bien entendu favoriser le numérique lorsqu’il est un outil efficace. À ce titre, les systèmes de visioconférence nous ont facilité la vie au quotidien. Le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) qui nous permet de communiquer avec les juridictions peut également être un outil très pratique.

Il convient de rester toutefois vigilant afin que ces nouveaux moyens de communication n’éloigne pas les acteurs du droit et de la justice, des préoccupations réelles des justiciables.

 

 

 

Interview par Alexia MONTVERNAY et Clara CAMPAGNE

INTERVIEW METIER

La startup, d’un concept économique à une consécration juridique

La startup, de l’anglais « to start-up », est une notion économique, consacrée en droit par le terme jeune entreprise innovante (JEI) qui évolue dans le secteur des nouvelles technologies et qui a un fort potentiel de croissance. Selon Steve Blank, entrepreneur et éducateur américain spécialisé dans les startups, il s’agit « d’une organisation temporaire conçue pour trouver un modèle d’affaires reproductibles et évolutives »[1].

 

S’il serait évidemment trop long de développer dans le détail le droit applicable à une startup, il n’en est pas moins nécessaire, dans le cadre de cet article, de la définir et d’en préciser l’encadrement législatif afin de pouvoir en dégager les fondamentaux nécessaires à sa création.

 

Cet article s’adresse alors autant aux professionnels qu’aux profanes intéressés par l’actualité brulante des startups et par l’entreprenariat dans son ensemble.

 

Comment sont apparues les startups ? Ces firmes ont vu le jour aux Etats-Unis à la fin du 20ème siècle utilisant des concepts innovants et dynamiques dans le domaine des nouvelles technologies pour se développer.

 

Quelles sont les caractéristiques propres d’une startup ? Les principales caractéristiques d’une startup sont reprises à l’article 44 sexies-0 A du Code général des impôts.

Premièrement une startup est temporaire, elle n’a, en principe, pas vocation à être pérenne et représente la première étape d’un développement rapide et exponentiel de la société. Deuxièmement, c’est une entreprise innovante, elle met en avant un concept nouveau ou peu développé visant à améliorer des produits et des services anciens. C’est ce produit innovant qui doit conduire la startup à s’imposer sur le marché par la mise en place d’un modèle d’affaire stable. Une startup possède également un potentiel de croissance exponentiel. En effet, l’innovation qu’elle propose doit pouvoir être reproductible et commercialisable à grande échelle et lorsqu’un tel business plan fonctionne, une startup peut devenir une licorne, c’est-à-dire une startup non cotée en bourse et valorisée à plus d’un milliard de dollars.

​

Qu’est-ce qui distingue une startup d’une entreprise lambda ? Une startup, outre sa croissance rapide et son aspect novateur, principalement dans le secteur des nouvelles technologies, a pour objectif de développer et de faire valider un business model solide et efficace. Autrement dit, et contrairement à une entreprise lambda, la startup n’a pas encore de business model stable mais tente par tout moyen de le rendre efficace. Ainsi, la startup se distingue d’une entreprise, car elle a pour ambition de se développer rapidement et ne dispose pas d’un business model stable.

​

Lydia, la nouvelle licorne française. Aujourd’hui notre quotidien est façonné et facilité par la présence des licornes et l’actualité du mois de décembre nous fournit un parfait exemple de transformation d’une startup en licorne. Lydia est devenue la 22ème licorne française de la French Tech au côté de Doctolib, Blablacar ou encore de Veepee. Cette entreprise française qui ne comptabilise pas moins de 5,5 millions d’utilisateurs vient, le 8 décembre 2021, de boucler une levée de fonds de 100 millions de dollars lui permettant d’accéder au cercle restreint des licornes françaises.

 

Avec ce nouveau venu, la French Tech, c’est-à-dire le mouvement français des startups, ne s’est jamais aussi bien porté qu’actuellement. La crise sanitaire, loin d’être un frein à l’expansion des startups, n’a pas empêché de battre des records historiques, le cumul des fonds levés par la French Tech s’élevant à 10 milliards d’euros fin 2021 et le mois de janvier étant des plus radieux pour les startups, avec pas moins de 5 nouvelles licornes. La levée de fonds de plus de 335 millions d’euros d’Exotec, start-up nordiste spécialisée dans la robotique industrielle, permet d’atteindre le seuil des 25 licornes fixé par le président de la République en 2019.

​

L’encadrement législatif de la startup. Pour comprendre l’encadrement législatif d’une startup, il est tout d’abord essentiel de comprendre, qu’en matière sociétaire, la startup n’est pas une forme sociale au même titre que la Société à responsabilité limitée (SARL) ou la Société anonyme (SA) par exemple. Le terme startup n’est que la dénomination utilisée pour les JEI. Cependant, on constate qu’en pratique, la plupart des startups sont exploitées sous la forme de sociétés par actions simplifiée (SAS). L’image de la SAS et sa malléabilité font donc d’elle la forme la plus adaptée aux entrepreneurs souhaitant monter une startup avec simplicité et personnalisation. Ainsi, la matière sociétaire ne semble pas se préoccuper de donner aux startups une véritable existence légale au même titre que les formes sociales que l'on connait aujourd’hui. La startup parait en réalité être une notion économique qui s’est matérialisé, en droit, par la notion de JEI instauré par la loi de finance n°2003-1311 du 30 décembre 2003.

 

Ainsi, cette loi a consacré l’existence de la JEI au sein du CGI, donnant à la startup une crédibilité aux yeux du droit en instaurant non seulement une définition à l’article 44 sexies-0 A du CGI, mais aussi un régime fiscal de faveur dans l’article 44 sexies A dudit Code.

 

La startup est alors désignée comme une « jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement ». C’est ici un écho à la définition qui est donnée dans la première partie. Ce qui caractérise ainsi la JEI au regard de la matière fiscale est alors autant sa nouveauté et son innovation que sa taille ainsi que les investissements effectués dans le cadre de son activité. Il lui est alors réservé un régime de faveur exceptionnel que nous allons présenter.

 

Il va sans dire que pour bénéficier du régime prévu à l’article 44 sexies A, la startup se doit de répondre aux critères de définitions prévus à l’article précédent. Ainsi, une fois cette définition remplie, la JEI se verra exonérée à 100% d’IS ou d’IR sur les bénéfices des 12 premiers mois suivant sa constitution. Mais ce n’est pas tout car sur l’année suivant les 12 premiers mois de sa constitution, la JEI se verra appliquer un taux d’exonération de 50% sur lesdits impôts.

 

Cette faveur législative ne s’arrête cependant pas à ces exonérations. On constate tout d’abord et de manière logique, que la perte du statut de JEI au moment de la clôture d’un exercice ou d’une période d’imposition, met fin à l’exonération de 100%.

 

Toutefois, le législateur prévoit au point 3 de cet article, qu’après cette perte de statut, la startup peut toujours jouir d’une exonération de 50% sur le montant de l’IS et l’IR. Cette exonération s’opérant sur les bénéfices réalisés au cours de l’exercice ou période d'imposition présente « et de l'exercice ou période d'imposition suivant ».

 

Cela soutient donc une forte volonté de préserver les startups « victimes » de leur succès, qui perdraient la qualification de JEI, en leur donnant la possibilité de pouvoir se développer plus facilement et sûrement de s’adapter et d’innover avec plus d’aisance et de compétitivité, autant sur le plan national qu’international.

 

On constate alors que seul le Droit fiscal daigne donner une définition ainsi que des avantages aux startups, qui sont de plus en plus nombreuses. Le Droit des sociétés, quant à lui, ne semble pas réellement s’en préoccuper, si bien que l’on pourrait se demander s’il serait souhaitable de légiférer sur des dispositions spécifiques aux startups sur le plan sociétaire ? Cette question semble logiquement trouver une réponse négative. La liberté de choix de la forme sociale, couplée au régime fiscal de faveur, ne rend la startup que plus attrayante pour les entrepreneurs et il serait fort malvenu de la part du législateur d’attenter à cette attractivité. On peut d’ailleurs noter qu’aucune atteinte n’a été portée aux startups, au contraire, la loi PACTE de 2019 est venue simplifier le cadre juridique entourant les JEI.

​

Quels sont les indispensables pour fonder sa startup ?

Tout d’abord, une référence doit être faite à la notion d’affectio societatis, notion du Droit des sociétés. Ce terme renvoi à l’intention, c’est à dire à la volonté que les entrepreneurs ont de s’associer et de participer ensemble à la création d’une société. Cet élément parait alors indispensable pour la fondation d’une startup.

Il semble ensuite plus que nécessaire d’avoir une idée innovante qui devra correspondre à des besoins sur un marché déterminé.

L’évaluation du marché constitue alors une autre étape indispensable. Dans ce cadre, il est possible de réaliser « le produit minimum viable » qui correspond à un test permettant d’étudier le marché et l’intégration du produit sur ce dernier.

 

Définir un business plan nous parait ensuite être la quatrième étape la plus importante. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il pourra changer pour les besoins de l’entreprise et l’intégration du produit.

 

Trouver les financements vient seulement en cinquième position. Seulement, car sans idées ou business plan, il sera difficile de trouver des moyens de financement sérieux et fiables.

Il est évidemment toujours possible d’avoir recours à l’autofinancement ou le financement par ses proches (« love money »), mais le financement participatif est aussi une bonne alternative. Des aides spécifiques existent, comme le fait de faire appel à des « capitaux-risques » ou des « business Angels » qui sont des investisseurs spécialisés pour les JEI ayant pour objectif de récupérer des bénéfices par un investissement plus ou moins conséquent.

 

Il convient ensuite de choisir une forme sociale pour créer sa startup. Cette étape doit être murement réfléchie, car c’est à ce moment que l’organisation de la société sera décidée. Il va sans dire que la SAS parait être la forme la plus adaptée, mais en matière de startup, la liberté est de mise. Libre à vous de choisir le type de société qui vous sied donc le mieux.

 

Enfin, il existe des structures spécialisées dans l’accompagnement des startups afin d’apporter conseil et élan aux jeunes entrepreneurs. On retrouve notamment les incubateurs, qui sont des structures publiques ou privées à but lucratif qui se rencontrent dans le secteur de la recherche publique ou dans le cadre de grandes écoles. Ces structures accompagnent les jeunes startups sur une période d’un à deux ans. Les accélérateurs, qui sont également des structures d’accompagnement mais sur une période réduite, ces structures ont pour but d’accélérer la croissance des startups. Enfin il existe des pépinières qui sont principalement des structures d’accueil des jeunes startups.

 

Perrine ALBERT et Thomas FRANCIA

 

[1] https://sokeo.fr/start-up-definition/

LA STARTUP

La dématérialisation du droit des sociétés, des démarches simplifiées pour une transparence renforcée

La création et le fonctionnement d’une société répondent à des procédures lourdes et souvent coûteuses. C’est la raison pour laquelle le législateur a à cœur de simplifier ces démarches, afin de fluidifier la création et la vie des sociétés. Sa stratégie ? L’exploitation des outils numériques pour une procédure simplifiée et moins coûteuse. 

 

Les évolutions récentes du droit des sociétés témoignent d’une large faveur pour les outils dématérialisés. Ces évolutions résultent, pour l’essentiel, de la loi PACTE[1], qui a lancé un mouvement de simplification par la dématérialisation, mouvement largement poursuivi par la suite. Mais le droit de l’Union Européenne a également influencé ce passage du droit des sociétés à l’ère du numérique par la directive (UE) 2019/1151, 20 juin 2019, visant à promouvoir l’utilisation d’outils et de processus numériques dans le domaine du droit des sociétés.

 

Le législateur, avec la loi Pacte a, notamment, remplacé les Centres de Formalités des Entreprises (CFE) par un guichet unique électronique, mais a également habilité le gouvernement à créer un « registre général dématérialisé des entreprises » dans un objectif de « recueil, conservation et diffusion des informations concernant ces entreprises ». C’est sur le fondement de cette intention de simplification et de transparence que l’ordonnance n°2021-1189 du 15 septembre 2021 a créé le Registre national des entreprises. C’est désormais auprès de ce registre que doivent s’immatriculer « les entreprises exerçant sur le territoire français une activité de nature commerciale, artisanale, agricole ou indépendante »[2]. Cette nouveauté est importante, parce qu’elle regroupe la plupart des registres qui existaient jusqu’alors et permet même l’immatriculation des entreprises dont l’activité ne faisait l’objet d’aucun registre. Tous les renseignements relatifs à la vie de l’entreprise et les informations propres à sa situation doivent également être transmis à ce registre unique. Ceci renforce non seulement la simplicité des démarches, mais aussi la transparence des activités, parce que les données communiquées seront, pour la plupart, accessibles au public sur le site de l‘INPI. Ce registre entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

 

Ensuite, c’est Infogreffe qui s’est lancé dans l’utilisation des outils du numérique dans une optique de simplification de la vie juridique des entreprises. Il a mis en place la plateforme « MonJuridique.Infogreffe »[3], « nouveau service de dématérialisation des registres légaux et des assemblées générales »[4]. Il s’agit donc de faciliter les démarches juridiques en dématérialisant les registres obligatoires et les assemblées générales, en créant un coffre-fort numérique et en facilitant la signature électronique de façon sécurisée.

 

Également, un exemple de dématérialisation des démarches des sociétés doit être mentionné. Il s’agit de la plateforme Impact, qui permet aux entreprises, sur la base du volontariat, de publier leurs données en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Cela leur permet de rendre ces données accessibles aux acteurs du marché et consommateurs, mais également de connaitre leur position et l’évolution de leur activité en termes de RSE. Si la publication n’est, pour l’instant, pas une obligation, elle tend à le devenir en raison de l’instauration d’une responsabilité accrue des entreprises dans le cadre du reporting non financier[5]. En attendant ces évolutions, la plateforme permet un plus large accès aux données relatives à l’activité des entreprises sans imposer à ces dernières l’accomplissement de formalités excessives.

 

Par ailleurs, le Gouvernement a lancé, au début de l’année 2022, un plan de simplification des services en ligne dédiés aux entreprises et professionnels. Pour remplir son objectif d’accompagnement des entreprises dans leurs démarches, trois sites ont été créés. Le premier, « formalites.entreprises.gouv.fr » a pour but de rassembler en un seul dossier toutes les démarches de l’entreprise, afin de centraliser les formalités administratives liées à l’immatriculation, au fonctionnement, à la cessation de l’entreprise, ou encore au dépôt des comptes. Le second est « entreprendre.service-public.fr » permet l’accès à des ressources fiables  et gratuites des informations nécessaires pour créer une activité. Enfin, « portailpro.gouv.fr », qui devrait être accessible très prochainement, permet de « simplifier et unifier les démarches de déclaration et de paiement des professionnels ». Il s’agit d’une plateforme permettant de regrouper les services des Finances Publiques, de l’URSSAF et de la Douane afin de faciliter les démarches afférentes au paiement de ces service. Cette annonce s’inscrit donc très clairement dans la démarche de simplification de la création et du fonctionnement par le biais des outils du numérique. Le Gouvernement a bien compris les avantages que présentaient ces outils et les utilise au profit des entreprises.

 

Toutes ces évolutions ont pour effet de faciliter la création des entreprises et de simplifier les démarches auxquelles elles sont soumises tout au long de leur vie. Selon le Parlement Européen, « on estime que, pour les nouvelles sociétés immatriculées dans l'UE, les économies réalisées grâce à l'introduction de l'immatriculation en ligne pourraient s'établir dans une fourchette de 42 à 84 millions d'euros »[6]. Les entreprises peuvent donc réduire les coûts engendrés par le dépôt multiple d’un seul document, mais également par les délais engendrés par le traitement des dossier, qui sont réduits par le recours aux instruments numériques. Cela contribue également à une plus grande transparence, induite par les vérifications accrues de la transmission de ces informations. Le fonctionnement de l’administration publique est ainsi rendu plus efficient[7].

                                                                

Clara CAMPAGNE

 

 

[1] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

[2] C. Com., art. 123-36

[3] Infogreffe, communiqué, 16 nov. 2021

[4] Ibid.

[5] Résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises (2020/2129(INL))

[6] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés

[7] Document de travail des services de la commission résumé de l'analyse d'impact accompagnant les propositions de modification des directives (UE) 2017/1132 et (UE) 2017/1132.

DEMATERIALISATION
bottom of page